Mercredi 2 avril, 15h. J’ai rendez-vous ce jour avec Jing
Wang, une artiste chinoise installée en France depuis 12 ans, et de passage
à Lille pour visiter le Fresnoy, école qu’elle souhaiterait intégrer en
septembre. On se retrouve à l’entrée d’une brasserie près de la gare de Lille et
on décide de s’installer à l’intérieur pour pouvoir discuter plus au calme.
Jing Wang commence par me parler de la plateforme d’échanges
et de rencontres artistiques qu’elle a créée sur une application chinoise.
J’apprends qu’elle y poste chaque semaine des articles dans lesquels elle parle de ce qu’elle fait, des artistes qu’elle rencontre, ou encore des expositions et des ateliers qu’elle visite.
Nous discutons un moment de nos blogs réceptifs et du travail que nous effectuons autour, nous amusant des similitudes dans lesquelles se rejoignent nos démarches.
Jing Wang me raconte qu’elle a créé New FArt en novembre dernier, suite à un voyage en Chine. "Je suis partie deux mois l’année dernière, et j’ai rencontré des artistes et des responsables de centres artistiques qui s’accordaient à dire que les jeunes artistes manquaient de communication autour de leur travail. C’est là que j’ai eu l’idée de mettre en place une plateforme pour parler de l’art en France et en Chine, à destination des Chinois. C’est un travail conséquent, tu dois être responsable de ce que tu écris et des infos que tu partages, mais c’est passionnant, j’adore écrire".
Je lui demande ensuite de me parler de sa décision de quitter la Chine en 2002, et de son arrivée en France jusqu’à son admission à l'Ecole Supérieure d'Art et du Design de Grenoble. "Lors de mon admission à l’Université chinoise, j’ai été orientée en Comptabilité. La formation ne me plaisait pas du tout. Ma mère m’a alors parlé du fils de l’un de ses collègues qui était parti étudier en France (...) J’ai donc écrit une lettre pour arrêter l’Université, et je me suis inscrite dans une école pour apprendre la langue française. Ayant obtenu de bons résultats aux examens écrits, j’ai obtenu mon visa.. Quand je suis arrivée à Chambéry, j’ai intégrer une école qui dispense des cours de langues afin de continuer à apprendre le français, avant d'entrer à l'Ecole Supérieure d'Art et du Design de Grenoble".
Jing Wang m’explique que les deux premières années ont été difficiles pour elle. N’ayant jamais suivi de formation artistique, elle manquait encore de confiance en elle. A la recherche de son propre langage, elle s’est d’abord essayée au dessin, à la peinture puis à la photo. Elle m’avoue avoir pensé arrêter ses études après la 3e et dernière année à l'ESAD jusqu'au jour où un professeur a proposé comme sujet "le travail cartographique".
J’apprends qu’elle y poste chaque semaine des articles dans lesquels elle parle de ce qu’elle fait, des artistes qu’elle rencontre, ou encore des expositions et des ateliers qu’elle visite.
Nous discutons un moment de nos blogs réceptifs et du travail que nous effectuons autour, nous amusant des similitudes dans lesquelles se rejoignent nos démarches.
Jing Wang me raconte qu’elle a créé New FArt en novembre dernier, suite à un voyage en Chine. "Je suis partie deux mois l’année dernière, et j’ai rencontré des artistes et des responsables de centres artistiques qui s’accordaient à dire que les jeunes artistes manquaient de communication autour de leur travail. C’est là que j’ai eu l’idée de mettre en place une plateforme pour parler de l’art en France et en Chine, à destination des Chinois. C’est un travail conséquent, tu dois être responsable de ce que tu écris et des infos que tu partages, mais c’est passionnant, j’adore écrire".
Je lui demande ensuite de me parler de sa décision de quitter la Chine en 2002, et de son arrivée en France jusqu’à son admission à l'Ecole Supérieure d'Art et du Design de Grenoble. "Lors de mon admission à l’Université chinoise, j’ai été orientée en Comptabilité. La formation ne me plaisait pas du tout. Ma mère m’a alors parlé du fils de l’un de ses collègues qui était parti étudier en France (...) J’ai donc écrit une lettre pour arrêter l’Université, et je me suis inscrite dans une école pour apprendre la langue française. Ayant obtenu de bons résultats aux examens écrits, j’ai obtenu mon visa.. Quand je suis arrivée à Chambéry, j’ai intégrer une école qui dispense des cours de langues afin de continuer à apprendre le français, avant d'entrer à l'Ecole Supérieure d'Art et du Design de Grenoble".
Jing Wang m’explique que les deux premières années ont été difficiles pour elle. N’ayant jamais suivi de formation artistique, elle manquait encore de confiance en elle. A la recherche de son propre langage, elle s’est d’abord essayée au dessin, à la peinture puis à la photo. Elle m’avoue avoir pensé arrêter ses études après la 3e et dernière année à l'ESAD jusqu'au jour où un professeur a proposé comme sujet "le travail cartographique".
Si mes yeux étaient toujours noirs
Souhaitant parler de la Chine, Jing fait alors quelques recherches
à la bibliothèque et découvre un livre qui parle des événements de Tian’anmen de 1989.
Cette lecture est un vrai choc pour elle.
Jing avait 6 ans à l’époque des manifestations, et elle avait quelques images en tête mais n’avait jamais pris conscience de l’ampleur des évènements.
Elle me dit que "les adultes ne voulaient pas en parler, l'école ne nous a pas appris cette partie de l'histoire, il a fallu que je parte à l'étranger pour avoir plus de recul face à tout ça ".
Jing utilise alors la vidéo pour s’exprimer et réalise un documentaire en interviewant des étudiants chinois de son âge. et des Français plus âgés. "Grâce à ce projet, je savais enfin ce que je voulais faire et comment je devais le faire".
En 2009, elle part étudier à la Haute Ecole d'Art et de Design à Genève et intègre la section Arts et Média dans le cadre d’un échange Erasmus.
Elle y finalise le montage de sa vidéo. "C’est un projet qui aura duré presque deux ans. Je devais détourner le documentaire pour m’exprimer avec mon propre langage".
Aujourd’hui, "Si mes yeux étaient toujours noirs" a été sélectionné pour l’Inconnu Festival organisé par l’Université Denis-Diderot Paris 7e. Des projections de court-métrages auront lieu du 27 au 30 avril, au cinéma le Grand Action dans le 5e arrondissement de Paris.
Ses vidéos sont régulièrement présentées lors de festivals ou d’expositions. L’année dernière, la Saison vidéo organisée par la ville de Tourcoing a retenu l’un de ses court-métrages, "Madame a pris sa décision en-fin."
Jing avait 6 ans à l’époque des manifestations, et elle avait quelques images en tête mais n’avait jamais pris conscience de l’ampleur des évènements.
Elle me dit que "les adultes ne voulaient pas en parler, l'école ne nous a pas appris cette partie de l'histoire, il a fallu que je parte à l'étranger pour avoir plus de recul face à tout ça ".
Jing utilise alors la vidéo pour s’exprimer et réalise un documentaire en interviewant des étudiants chinois de son âge. et des Français plus âgés. "Grâce à ce projet, je savais enfin ce que je voulais faire et comment je devais le faire".
En 2009, elle part étudier à la Haute Ecole d'Art et de Design à Genève et intègre la section Arts et Média dans le cadre d’un échange Erasmus.
Elle y finalise le montage de sa vidéo. "C’est un projet qui aura duré presque deux ans. Je devais détourner le documentaire pour m’exprimer avec mon propre langage".
Aujourd’hui, "Si mes yeux étaient toujours noirs" a été sélectionné pour l’Inconnu Festival organisé par l’Université Denis-Diderot Paris 7e. Des projections de court-métrages auront lieu du 27 au 30 avril, au cinéma le Grand Action dans le 5e arrondissement de Paris.
Ses vidéos sont régulièrement présentées lors de festivals ou d’expositions. L’année dernière, la Saison vidéo organisée par la ville de Tourcoing a retenu l’un de ses court-métrages, "Madame a pris sa décision en-fin."
Pictures in my mind
Durant son année scolaire à Genève, Jing continue d’habiter en France, les loyers en Suisse étant trop élevés. Aussi pour se
rendre en cours, elle effectue chaque jour le trajet en train.
Par hasard, un jour, le train dans lequel elle se trouvait s’est arrêté à côté d’un autre train, et Jing a alors été captée par leur rencontre et le reflet d’un jeune garçon. Le reflet de la carrosserie de l’autre train apportait de la matière et de la couleur au reflet du jeune homme. La rencontre de tous ces éléments lui a fait prendre quelques photos. "Quand j’ai vu le résultat chez moi, ce premier portrait et la texture m’ont inspiré. J’ai décidé de continuer dans ma lancée. Par habitude, je connaissais l’horaire de cette rencontre entre deux trains. Je courais dans les wagons à la recherche d’un portrait à faire. Ça a duré six mois. Certains m’ont reproché que ma série manquait de "fond", mais je trouve qu’il y a un côté documentaire dans ce que j’ai fait. Mes photos sont à peine retouchées, c’est la nature qui donne à voir ces images. J’ai voulu dire qu’en étant attentifs au monde qui nous entoure, nous pouvons être réceptifs à la beauté qu’offre la nature". L’esthétique de cette série est totalement liée au contexte de la prise de vues, je la trouve d’autant plus intéressante que le résultat ne peut être obtenu qu’à un moment donné.
Par hasard, un jour, le train dans lequel elle se trouvait s’est arrêté à côté d’un autre train, et Jing a alors été captée par leur rencontre et le reflet d’un jeune garçon. Le reflet de la carrosserie de l’autre train apportait de la matière et de la couleur au reflet du jeune homme. La rencontre de tous ces éléments lui a fait prendre quelques photos. "Quand j’ai vu le résultat chez moi, ce premier portrait et la texture m’ont inspiré. J’ai décidé de continuer dans ma lancée. Par habitude, je connaissais l’horaire de cette rencontre entre deux trains. Je courais dans les wagons à la recherche d’un portrait à faire. Ça a duré six mois. Certains m’ont reproché que ma série manquait de "fond", mais je trouve qu’il y a un côté documentaire dans ce que j’ai fait. Mes photos sont à peine retouchées, c’est la nature qui donne à voir ces images. J’ai voulu dire qu’en étant attentifs au monde qui nous entoure, nous pouvons être réceptifs à la beauté qu’offre la nature". L’esthétique de cette série est totalement liée au contexte de la prise de vues, je la trouve d’autant plus intéressante que le résultat ne peut être obtenu qu’à un moment donné.
Adorant les livres et travailler à la présentation de ses images, Jing a fait publier par le Studio Vaduz (une plateforme d'édition mise en place par les professeurs de l'école de Grenoble), 50 exemplaires d’un livre A3 non relié. Les pages, imprimées recto/verso, sont volantes, ce qui permet de faire encadrer ou d’accrocher les photos, mais aussi de réinventer l’histoire en changeant de place les images.
Contes
Dans ses photographies et ses vidéos, la notion de temps est
très présente, mais Jing Wang travaille également sur la mémoire collective et
individuelle, liée à son enfance.
Elle commence en 2008 à photographier des murs abîmés par le temps, qu’elle perçoit comme des cartes géographiques. Mais "Il manquait de la vie sur les cartes, alors j’ai fait des origamis que je collais sur des murs abîmés. Une fois la photo prise, je retirais les origamis comme si rien ne s’était passé. Les origamis montrent une culture et font partie de mes jeux d’enfance. Je récupère les papiers journaux pour recycler la vie de l’objet, et je les manipule pour faire revivre le temps passé".
Jing a exposé ses contes en 2011 dans un espace culturel qui lui a proposé deux murs. Elle a fait tirer ses photos sur du papier tapisserie. Elle explique sur son site internet qu’elle a voulu "que la matière d’image se fonde avec le mur du lieu. Ainsi, la « réalité » fait partie de l’image. La « réalité » est utilisée pour compléter les cartes d’Utopie".
Elle a également exposé en 2011 à l’Ancien Musée de peinture lors de l’Exposition de Noël organisée par le Magasin, lieu culturel à Grenoble, et l’année dernière, elle a participé à la Biennale de Nîmes où elle a exposé une installation, In Situ, collage de centaines d’origamis sur des rochers.
Elle a également participé à une exposition collective en 2013 à la Galerie Redzone de Genève qui vient de vendre sa photo
Contes n°3.
Elle commence en 2008 à photographier des murs abîmés par le temps, qu’elle perçoit comme des cartes géographiques. Mais "Il manquait de la vie sur les cartes, alors j’ai fait des origamis que je collais sur des murs abîmés. Une fois la photo prise, je retirais les origamis comme si rien ne s’était passé. Les origamis montrent une culture et font partie de mes jeux d’enfance. Je récupère les papiers journaux pour recycler la vie de l’objet, et je les manipule pour faire revivre le temps passé".
Jing a exposé ses contes en 2011 dans un espace culturel qui lui a proposé deux murs. Elle a fait tirer ses photos sur du papier tapisserie. Elle explique sur son site internet qu’elle a voulu "que la matière d’image se fonde avec le mur du lieu. Ainsi, la « réalité » fait partie de l’image. La « réalité » est utilisée pour compléter les cartes d’Utopie".
Elle a également exposé en 2011 à l’Ancien Musée de peinture lors de l’Exposition de Noël organisée par le Magasin, lieu culturel à Grenoble, et l’année dernière, elle a participé à la Biennale de Nîmes où elle a exposé une installation, In Situ, collage de centaines d’origamis sur des rochers.
Elle a également participé à une exposition collective en 2013 à la Galerie Redzone de Genève qui vient de vendre sa photo
Contes n°3.
Lille 3000 C - Elle qui m'accompagne
Pour le concours organisé par SFR Jeunes Talents dans le
cadre de Lille 3000, Jing a proposé une série d’autoportraits réalisés avec un
smartphone. Elle m'en montre quelques-unes directement sur son téléphone.
Toujours prises en contre-plongée et contre-jour, ses photos laissent apparaître le corps et le décor, mais le visage est toujours sombre. C’est par la silhouette qu’on en déduit que le modèle est toujours le même. Alors qu’un soir elle était seule chez elle et travaillait sur des dossiers, elle s’est connectée sur Facebook et les selfies, en vogue depuis quelques années, lui ont donné une idée. "Un coup de folie : j'ai posé mon téléphone par terre et je me suis penchée. A ce moment-là, l'écran du téléphone devenait le miroir de la réalité. J’ai vu mes cheveux s’envolaient! Le téléphone étant tactile, j’ai retiré ma chaussette et j’ai pris des photos avec mon orteil! Depuis, je cherche des lieux où faire ce genre de photos. Il m'est arrivé de passer des soirées à explorer tous les coins de mon appartement. J'ai continué à m'amuser en prenant ce genre de photos partout où j'allais, ça laisse une trace des différents voyages que je fais. Chez des amis, je leur demande de me prêter leurs vêtements. En plus de m’approprier l’espace, je peux m’approprier les personnes qui y vivent. Je renouvelle souvent cette expérience".
Bien plus que la thématique Micro Macro, c’est la contrainte de ne proposer que des photos prises au smartphone qui a motivé la participation de Jing au concours.
Toujours prises en contre-plongée et contre-jour, ses photos laissent apparaître le corps et le décor, mais le visage est toujours sombre. C’est par la silhouette qu’on en déduit que le modèle est toujours le même. Alors qu’un soir elle était seule chez elle et travaillait sur des dossiers, elle s’est connectée sur Facebook et les selfies, en vogue depuis quelques années, lui ont donné une idée. "Un coup de folie : j'ai posé mon téléphone par terre et je me suis penchée. A ce moment-là, l'écran du téléphone devenait le miroir de la réalité. J’ai vu mes cheveux s’envolaient! Le téléphone étant tactile, j’ai retiré ma chaussette et j’ai pris des photos avec mon orteil! Depuis, je cherche des lieux où faire ce genre de photos. Il m'est arrivé de passer des soirées à explorer tous les coins de mon appartement. J'ai continué à m'amuser en prenant ce genre de photos partout où j'allais, ça laisse une trace des différents voyages que je fais. Chez des amis, je leur demande de me prêter leurs vêtements. En plus de m’approprier l’espace, je peux m’approprier les personnes qui y vivent. Je renouvelle souvent cette expérience".
Bien plus que la thématique Micro Macro, c’est la contrainte de ne proposer que des photos prises au smartphone qui a motivé la participation de Jing au concours.
Futurs projets
Ayant eu la chance de voyager entre deux cultures, Jing me
dit s’être "francisée". "Mon point de
vue et ma vision des choses ont totalement changé. A chaque fois que je
retourne chez moi à Changsha, j’ai l’impression de redécouvrir la Chine. A l'automne 2013, j'ai réalisé là-bas trois vidéos que je dois encore monter! Mélangeant des points de vue européens et ma culture d’origine chinoise, je voudrais raconter des histoires « avec humour » mais qui en même temps, font monter quelques larmes aux yeux".
En plus de son travail vidéographique, Jing travaille sur des projets d’expositions notamment dans un Centre d'Art de sa ville d'origine, Changsha, où elle aimerait montrer ce qu'elle a appris et réalisé durant toutes ces années en France.
Jing dispose aujourd'hui de plus de temps et d’une liberté d’actions qui, je l’espère vivement pour elle, lui faciliteront la réalisation de ses nouveaux projets, et surtout, de vivre enfin, de sa production artistique.
Merci à toi Jing, d'avoir consacré plus de deux heures à cet échange
Site de l'artiste : http://www.jingwang-art.com/
En plus de son travail vidéographique, Jing travaille sur des projets d’expositions notamment dans un Centre d'Art de sa ville d'origine, Changsha, où elle aimerait montrer ce qu'elle a appris et réalisé durant toutes ces années en France.
Jing dispose aujourd'hui de plus de temps et d’une liberté d’actions qui, je l’espère vivement pour elle, lui faciliteront la réalisation de ses nouveaux projets, et surtout, de vivre enfin, de sa production artistique.
Merci à toi Jing, d'avoir consacré plus de deux heures à cet échange
Site de l'artiste : http://www.jingwang-art.com/