Samedi 22 mars, 15h, Jean Miaille, le journaliste.
Après avoir déjà
consacré ce mercredi plus de deux heures à la présentation de Phogima, ou
encore à discuter de divers litiges traités ou exposés à l’UPP parce que la
profession souffre notamment à faire reconnaître son droit d’auteur devant les
tribunaux de notre pays, Jean a accepté de me revoir ce samedi pour me parler
davantage de lui, des différentes activités qu’il a exercées, de son travail
personnel et de ses futurs projets.
Jean a étudié la photographie en
suivant les cours du soir de l’école rue de Vaugirard à Paris, devenue depuis
Louis-Lumière. Il me précise qu’il faut bien avoir à l’esprit que « ce n’était pas du tout les mêmes approches
et apprentissage de la photographie comme on l’enseigne aujourd’hui. On formait
surtout des techniciens de labo, le laboratoire occupant une place importante à
l’époque. On formait également les photographes sur les techniques de la prise
de vue industrielle et de studio. Le 24x36 n’étant pas reconnu comme un format
professionnel, nous travaillions essentiellement à la chambre et au 6x6. La
formation m’a apporté des bases solides en éclairage mais j’étais déjà attiré
par le courant de la photographie humaniste après avoir découvert le travail
d’Henri Cartier Bresson ou encore celui de Willy Ronis. Je voulais à mon tour
laisser une trace de la manière dont vivent les gens. Ce qui m’a amené à la
sociologie et à l’obtention d’une maitrise des sciences de la société. »
Jean commence ensuite sa carrière de journaliste au quotidien Liberté à Lille. Il y rédigeait des articles tout en couvrant photographiquement les sujets qu’il traitait. Le travail de terrain le passionnait.
Il travailla ensuite pour deux autres journaux, la Marseillaise de l’Essonne et l’Humanité-dimanche, avant d’occuper le poste de directeur des Editions sociales dans la Maison d’édition Messidor. La fermeture de cette dernière en 1992 le décide à se repositionner totalement sur la photographie et d’en faire sa pratique première. Son passé de journaliste est un atout, il me précise qu’ayant la maitrise de l’écriture, il a pu « lier les deux. Aujourd’hui il est difficile de ne vivre que de la photo, aussi parce qu’il n’y a pas de statut bien défini. »
Jean commence ensuite sa carrière de journaliste au quotidien Liberté à Lille. Il y rédigeait des articles tout en couvrant photographiquement les sujets qu’il traitait. Le travail de terrain le passionnait.
Il travailla ensuite pour deux autres journaux, la Marseillaise de l’Essonne et l’Humanité-dimanche, avant d’occuper le poste de directeur des Editions sociales dans la Maison d’édition Messidor. La fermeture de cette dernière en 1992 le décide à se repositionner totalement sur la photographie et d’en faire sa pratique première. Son passé de journaliste est un atout, il me précise qu’ayant la maitrise de l’écriture, il a pu « lier les deux. Aujourd’hui il est difficile de ne vivre que de la photo, aussi parce qu’il n’y a pas de statut bien défini. »
Jean Miaille, le photographe
De 1992 à 2008, il exerce donc la
photographie de manière indépendante. Durant cette période, il réalise des
commandes, dont une assez conséquente pour la ville de Drancy. « La ville a fortement été marquée par la
guerre et la déportation. Le maire souhaitait diffuser une image plus moderne
de Drancy. J’ai réalisé beaucoup de photos dans tous les quartiers de la ville
et nous avons organisé une exposition où les photographies étaient affichées
sur des panneaux de verre éclairés par l’arrière. Les habitants étaient
vraiment contents de se voir et de porter un nouveau regard sur leur ville, axé
sur eux et leurs modes de vie. » Les éditions Atlas ont publié un
livre, Drancy au fil de la vie. « Nous avions ensemble prévu de réaliser toute une série de livres sur le
même modèle que le précédent, reprenant le thème de la vie quotidienne. Je
devais entamer un travail autour des aires d’autoroutes mais l’apparition des
premiers procès sur le droit à l’image qui n’existait pas auparavant, a
compliqué les choses. Les juges accordaient des dédommagements considérables
aux plaignants, ce qui était dramatique pour les journaux qui devaient censurer
leurs photos afin que personne ne puisse s’y reconnaitre. Les difficultés à
gérer les autorisations et à formuler les circonstances puisqu’on ignorait la
portée qu’auraient les futurs livres, nous ont contraints Atlas et moi-même a
oublié le projet. »
Bientôt à la retraite et dégagé des contingences professionnelles, Jean a pu revenir à la photographie humaniste que le droit à l’image dans les années 90 avait bridé, et consacrer son temps et son travail autour de « l’ordinaire quotidien » qu’il aime tant. Il a créé un site internet www.jeanmiaille.fr destiné à ce projet journalier, photojourn.art.
Bientôt à la retraite et dégagé des contingences professionnelles, Jean a pu revenir à la photographie humaniste que le droit à l’image dans les années 90 avait bridé, et consacrer son temps et son travail autour de « l’ordinaire quotidien » qu’il aime tant. Il a créé un site internet www.jeanmiaille.fr destiné à ce projet journalier, photojourn.art.
Pour expliquer ce travail, Jean
me parle d’abord de Franck Horvat,
photographe de renommée internationale qui a traduit son angoisse de l’an 2000
en prenant une photo par jour durant toute l’année 1999.
Un livre en est sorti, 1999, A daily report. La découverte de ces
photographies a inspiré et motivé la démarche de Jean parce qu’il « trouvait cette écriture photographique
passionnante qui donne une image de la réalité et interdit la mise en scène. »
Depuis 2006, il photographie quotidiennement « la vie de tous les jours, le quotidien au quotidien, pour dresser une fresque des gens. » Passionné par le grand angulaire qui organise l’image en gérant des éléments disparates et « s’adapte parfaitement au thème du quotidien qui est lui-même disparate », il utilise le format du cinémascope qu’il a découvert dans les westerns de son enfance et qui lui permet de mettre en rapport les hommes et leur environnement.
Jean recherche, traduit en image la beauté de ce qui peut être à caractère banal, car « le carnaval de Dunkerque vu pour la première fois par un enfant est un évènement exceptionnel, là où un adulte averti y voit quelque chose devenue banale pour lui. » Ce n’est pas l’évènement en tant que tel qui l’intéresse, mais les gens qui s’y rendent.
Photographier chaque jour est devenu pour lui un mode de vie, un moteur et même une discipline rigoureuse. Il m’explique qu’à l’époque où il a commencé, photographier dans la rue était un challenge, car « en 2006, le droit à l’image pesait plus qu’aujourd’hui. Je constatais l’extraordinaire paradoxe de notre société consommatrice d’images qui était incapable de produire une image d’elle-même. »
Internet a facilité le projet, s’il n’en fait pas partie entièrement. Car la place qu’occupe la photographie, en termes de poids, est dérisoire. On peut poster autant d’images qu’on le souhaite sans avoir à se préoccuper d’un manque de place pour toutes les exposer. « J’ai aujourd’hui plus de 6000 photos mises en ligne. » De plus, la qualité des écrans va en s’améliorant. Jean m’explique que regarder une image sur écran est plus valorisant que de la voir sur une parution de qualité moyenne. « D’ici quelques années, je suis persuadé que le processus d’amélioration constante permettra aux gens d’apprécier toute la qualité d’une image (et d’images animées) sur écran, et le papier servira pour les travaux d’art par exemple, qui dans ce contexte-là sera une véritable valorisation de l’image. » Son expérience journalistique le rattrape et il ajoute « mais du point de vue de l’information de la presse, les dirigeants devraient comprendre qu’internet permet un nouvel élan au photojournalisme que la réduction des coûts a sacrifié au profit du texte. Sur internet, tu peux construire autour de l’image, sous forme par exemple de diaporamas ou de petites vidéos courtes de 3 minutes » et complète ses propos par « l’enjeu de l’information de demain, ce n’est pas l’enjeu national et international. Il y a de grandes agences et diverses structures pour couvrir ça. L’e véritable enjeu est d'après moi local.. La presse locale devrait repenser sa méthode, être davantage dans l’investigation au sein de ses communes, auprès de leurs acteurs et des habitants. Avec internet, l’individualisation appelle le local, car chacun va s’intéresser à des domaines propres à son parcours, à sa ville de naissance, etc.. »
Aujourd’hui, son site internet comptabilise entre 400 et 500 visiteurs par jour, essentiellement des Français, mais aussi des visiteurs de dizaines de pays, parmi lesquels les Américains et les Chinois. Il représente à l’heure actuelle 8 années d’une iconographie lilloise.
Depuis 2006, il photographie quotidiennement « la vie de tous les jours, le quotidien au quotidien, pour dresser une fresque des gens. » Passionné par le grand angulaire qui organise l’image en gérant des éléments disparates et « s’adapte parfaitement au thème du quotidien qui est lui-même disparate », il utilise le format du cinémascope qu’il a découvert dans les westerns de son enfance et qui lui permet de mettre en rapport les hommes et leur environnement.
Jean recherche, traduit en image la beauté de ce qui peut être à caractère banal, car « le carnaval de Dunkerque vu pour la première fois par un enfant est un évènement exceptionnel, là où un adulte averti y voit quelque chose devenue banale pour lui. » Ce n’est pas l’évènement en tant que tel qui l’intéresse, mais les gens qui s’y rendent.
Photographier chaque jour est devenu pour lui un mode de vie, un moteur et même une discipline rigoureuse. Il m’explique qu’à l’époque où il a commencé, photographier dans la rue était un challenge, car « en 2006, le droit à l’image pesait plus qu’aujourd’hui. Je constatais l’extraordinaire paradoxe de notre société consommatrice d’images qui était incapable de produire une image d’elle-même. »
Internet a facilité le projet, s’il n’en fait pas partie entièrement. Car la place qu’occupe la photographie, en termes de poids, est dérisoire. On peut poster autant d’images qu’on le souhaite sans avoir à se préoccuper d’un manque de place pour toutes les exposer. « J’ai aujourd’hui plus de 6000 photos mises en ligne. » De plus, la qualité des écrans va en s’améliorant. Jean m’explique que regarder une image sur écran est plus valorisant que de la voir sur une parution de qualité moyenne. « D’ici quelques années, je suis persuadé que le processus d’amélioration constante permettra aux gens d’apprécier toute la qualité d’une image (et d’images animées) sur écran, et le papier servira pour les travaux d’art par exemple, qui dans ce contexte-là sera une véritable valorisation de l’image. » Son expérience journalistique le rattrape et il ajoute « mais du point de vue de l’information de la presse, les dirigeants devraient comprendre qu’internet permet un nouvel élan au photojournalisme que la réduction des coûts a sacrifié au profit du texte. Sur internet, tu peux construire autour de l’image, sous forme par exemple de diaporamas ou de petites vidéos courtes de 3 minutes » et complète ses propos par « l’enjeu de l’information de demain, ce n’est pas l’enjeu national et international. Il y a de grandes agences et diverses structures pour couvrir ça. L’e véritable enjeu est d'après moi local.. La presse locale devrait repenser sa méthode, être davantage dans l’investigation au sein de ses communes, auprès de leurs acteurs et des habitants. Avec internet, l’individualisation appelle le local, car chacun va s’intéresser à des domaines propres à son parcours, à sa ville de naissance, etc.. »
Aujourd’hui, son site internet comptabilise entre 400 et 500 visiteurs par jour, essentiellement des Français, mais aussi des visiteurs de dizaines de pays, parmi lesquels les Américains et les Chinois. Il représente à l’heure actuelle 8 années d’une iconographie lilloise.
Jean s’est mis tout récemment à
l’image animée qu’il distingue bien de la vidéo : « Ce qui m’intéresse c’est de faire ce que je fais en photographie mais
en utilisant l’image animée. Quand on pense à la vidéo on pense au son, la
vidéo est d’ailleurs bavarde. Je ne souhaite pas que la bande-son soit
narrative, au mieux elle soutiendrait les images. L’idée m’est venue des
projections que nous organisons avec Phogima. Dans le cadre d’une projection,
on doit s’interroger sur l’organisation des images dans la chronologie de la
projection, mais aussi sur la durée de chacune des images, généralement 6
secondes. Quand on est dans l’image animée, l’action de l’image est plus
déterminante. C’est tout nouveau pour moi, actuellement j’explore les
possibilités. J’ai réalisé quelques séquences mais celles-ci sont des essais
(…) Je dois trouver un propos cohérent (…) Je souhaite retrouver l’esprit des cinéastes
d’actualité qui, avant que la télé n’existe, réalisaient de
petits films de 3 minutes. Aussi ils devaient traiter leurs sujets de manière
synthétique et aller à l’essentiel, ce qui a donné, je trouve, des actualités
extrêmement vivantes et pointues. » Aujourd’hui les performances
techniques permettent de traiter l’image animée comme on traite la
photographie, « la qualité d’image
photographique peut désormais être retrouvée dans la vidéo. »
En écoutant Jean, je me suis rappelée des petits films sans dialogue de Jesper Just, dans lesquels la musique orchestre les émotions humaines. Ou encore de ces plans-séquences très longs dans Gerry, un film de Gus Van Sant, et au cinéma de Michael Haneke. L’art contemporain, bien sûr, et même le cinéma d’auteur, regorgent d’artistes de la même veine.
En écoutant Jean, je me suis rappelée des petits films sans dialogue de Jesper Just, dans lesquels la musique orchestre les émotions humaines. Ou encore de ces plans-séquences très longs dans Gerry, un film de Gus Van Sant, et au cinéma de Michael Haneke. L’art contemporain, bien sûr, et même le cinéma d’auteur, regorgent d’artistes de la même veine.
Merci à toi Jean